La dépression : un trouble de l’humeur pernicieux.

Auteurs(s) : Goodpsy

La dépression affecte plus de 350 millions de personnes dans le monde (OMS) et plus de 3 millions de personnes en France (INPES). Alors qu’elle touche tous les âges et toutes les classes sociales, ses symptômes et ses effets restent cependant mal connus du grand public.

 

La tristesse, une émotion comme les autres?

 

Les émotions traduisent la manière dont les êtres humains réagissent aux évènements de la vie. Que ceux-ci leur «sourient» et ils ressentent de la joie. Qu’ils les malmènent et les voilà attristés. Ces réactions émotionnelles sont naturelles et inhérentes au processus de vie. Elles sont le plus souvent brèves et connaissent des oscillations plus ou moins grandes selon les situations et les individus. Elles peuvent ainsi être atténuées ou amplifiées en fonction de nombreux facteurs comme la personnalité, le vécu, l’état affectif, psychologique ou physiologique.

«Les mots manquent aux émotions», écrivait Victor Hugo. Cela est particulièrement vrai pour la tristesse qui déclenche parfois d’autres émotions comme l’embarras, la honte, la culpabilité, amenant certaines personnes à ignorer leur tristesse pour ne pas avoir à en parler. Mais bien souvent, c’est la douleur psychique qu’elle provoque qui étreint et contraint au silence. A cela s’ajoute une difficulté supplémentaire, liée au fait que les mots pour parler de la tristesse sont galvaudés par l’usage impropre qui en fait. Ainsi, les gens emploient souvent indistinctement les termes «déprime» et «dépression» pour qualifier leur état affectif sans se douter le moindre instant que, si ces deux vocables appartiennent sans conteste au champ sémantique de la tristesse, leur tableau clinique respectif n’en reste pas moins radicalement différent.

 

Déprime ou dépression?

 

La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Les évènements contraires, les frustrations, les échecs, et les peines arrivent inéluctablement, déclenchant à l’occasion des «coups de blues», des «passages à vide» et des «jours sans» (motivation, énergie, envie, etc.). Ces moments de déprime, que tout un chacun est amené à connaître au cours de son existence, sont naturels car ils permettent d’exprimer sa tristesse pour mieux s’en libérer. Ce processus est essentiel car il permet également aux êtres vivants de s’adapter aux situations et de continuer à aller de l’avant. La déprime est donc sans danger pour la santé. Elle est même salutaire, à condition qu’elle ne dure pas trop longtemps et que l’intensité de la souffrance qu’elle provoque n’empêche pas la personne de vivre et de fonctionner au quotidien. Dans ce cas, il n’y a évidemment pas lieu de s’alarmer. Au contraire, mieux vaut laisser le temps et le repos faire leur œuvre.

Mais, lorsque la tristesse perdure anormalement en provoquant une souffrance psychique qui s’accompagne tous les jours d’autres symptômes, comme

  • une fatigue généralisée et persistante,
  • une perte d’intérêt pour les activités qui habituellement procurent du plaisir,
  • des difficultés à accomplir les tâches quotidiennes,
  • des perturbations de l’appétit,
  • de l’insomnie ou de l’hypersomnie, de l’anxiété,
  • des difficultés de concentration ou à prendre des décisions,
  • un sentiment d’inutilité,
  • de la culpabilité,
  • de l’autodépréciation,
  • des pensées « noires » voire suicidaires…

Il ne s’agit plus d’une simple déprime, mais peut-être d’une dépression. Dans ces circonstances, il est prudent d’aller consulter un professionnel de santé afin que celui-ci pose un diagnostic et propose, en cas d’épisode dépressif avéré, une prise en charge adaptée à la gravité de celui-ci.

En effet, la dépression (ou épisode dépressif) est un trouble mental affectant l’humeur[1] qui est souvent insidieux et toujours pernicieux. A ce titre, le témoignage laissé par l’écrivain William Styron, dans Face aux ténèbres – chronique d’une folie, est une mise en garde probante à quiconque ignorant encore les risques auxquels s’expose une personne souffrant d’un épisode dépressif. Comme l’écrit l’auteur, «la souffrance occasionnée par une dépression grave est tout à fait inconcevable pour qui ne l’a jamais endurée, et si dans de nombreux cas elle tue, c’est parce que l’angoisse qui l’accompagne est devenue intolérable. Tant que la nature de cette souffrance n’aura pas fait l’objet d’une prise de conscience généralisée, la prévention du suicide demeurera souvent entravée.»

La dépression est en effet la première cause de suicide. Ainsi, des études récentes (OMS, Académie de Médecine) montrent que les patients dépressifs ont un taux de suicide élevé (de 5 % à 20 %) et que la majorité (60 % à 70 %) des personnes qui se sont suicidées souffraient d’une dépression lors de leur passage à l’acte. Cette descente aux enfers n’est pourtant pas une fatalité.

 

Consulter un professionnel de santé, une démarche utile et salvatrice.

 

Une prise en charge au plus tôt associée à un parcours de soins adapté à la gravité de la situation, avec au besoin une psychothérapie et/ou un traitement médical, sont des éléments essentielles pour soulager la souffrance, aller mieux et se donner de meilleures chances de guérison.

Lorsque la tristesse devient invalidante, la pire des choses à faire est de rester seul. Malheureusement, c’est trop souvent le cas. Ainsi, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) une dépression majeure sur deux ne serait ni diagnostiquée ni traitée. Un chiffre qui fait froid dans le dos lorsqu’on connaît les ravages que provoque cette maladie.

Il faut dire que prendre la décision d’aller consulter, c’est avant tout reconnaître que l’on a besoin d’aide. Or, lorsqu’il s’agit d’admettre que l’on a besoin d’aide pour faire face à une douleur physique, peu de personnes hésitent encore à aller consulter un médecin (généraliste ou spécialiste), et cette décision reçoit naturellement l’approbation de leur entourage, le plus proche comme le plus éloigné.

Pourtant lorsqu’il s’agit d’une douleur psychique, les personnes touchées se retrouvent souvent seules face à leur détresse et leur souffrance. Qui plus est lorsqu’il s’agit d’une dépression. La plupart des dépressifs doivent non seulement lutter contre une maladie mentale dont ils ignorent souvent les risques, mais aussi contre les «clichés», les «a priori» et autres «préjugés» qui rendent la vie dure. Or ces derniers sont à l’origine d’un sentiment injustifié de culpabilité qui les incite à penser que leur tristesse relève avant tout de leur responsabilité personnelle et que si celle-ci perdure, c’est parce qu’ils font preuve d’un manque de force morale, de volonté ou de courage. Bien souvent, l’entourage, emprunt des mêmes «idées reçues», prolonge involontairement cette stigmatisation sociale par des paroles qui se veulent encourageantes et qui invitent à «se ressaisir», à «serrer les dents» en attendant que cela passe, ou encore en affirmant naïvement ou fallacieusement «être passé par là».

Il n’y a pas de honte à se sentir triste, quelle que soit l’intensité de cette tristesse. Et lorsque la souffrance s’intensifie, il n’y a pas de honte à aller chercher de l’aide auprès d’un professionnel de santé, au contraire. De fait, la stigmatisation des dépressifs n’a donc pas lieu d’être, d’autant que nul n’est à l’abri de cette maladie; même si certaines populations sont davantage exposées que d’autres, notamment les adolescents, les femmes pendant la grossesse et après l’accouchement, les personnes touchées par une maladie chronique (diabète, cancer,…), les personnes âgées.

La dépression doit être prise au sérieux, comme toute maladie, et ceux qu’elle affecte ne doivent pas se sentir responsables de leur maladie car elle résulte de l’interaction d’un ensemble de facteurs psychologiques (types de personnalité, traumatismes,…)  génétiques (antécédents familiaux…), biologiques (dérèglement du fonctionnement des neurotransmetteurs, changements hormonaux…) et sociologiques (chômages, …)

 

[1] En psychologie, l’humeur est la « disposition affective fondamentale, riche de toutes les instances émotionnelles et instinctives, qui donnent à chacun de nos états d’âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur » (Jean Delay, Dérèglements de l’humeur, 1946)